Chronique (VII) : Travailleurs précaires, un parcours du combattant

Chronique (VII) : Travailleurs précaires, un parcours du combattant

Image: Christian Januth

Chaque jour, des personnes touchées par la pauvreté nous confient comment elles-mêmes et d’autres sont affectées par la crise de coronavirus et quelles stratégies elles développent pour y faire face. Des concitoyens engagés partagent, eux aussi, leurs expériences afin d’apporter des améliorations dès maintenant et à long terme. Cette chronique hebdomadaire du Mouvement présente des messages relatifs à des thèmes marquants.

Le décalage vécu par les pauvres (avant le coronavirus)

Dans tous les États membres de la Communauté européenne, il y a des hommes sans qualification aucune, en chômage de longue durée. En chômage pour toujours, faudrait-il dire. (…). Dans toute la Communauté se perpétue ainsi la grande pauvreté que nous avions pourtant espéré voir disparaître. Des enfants, des jeunes, des adultes, des familles regardent le monde changer. Ils nous regardent du fin fond de leurs immeubles, de leurs rues et cités mal construites et surpeuplées. Dépendants de nos systèmes d’assistance sociale qui les aident tout au plus à survivre dans la pauvreté, ils observent de loin, en silence, les grandes mutations.”

Joseph Wresinski, “L’Europe qui naîtra du refus de la misère”, 
éditorial de la Revue Quart Monde n°124, juin 1987

Durant la crise  : Le parcours du combattant continue

Le chemin douloureux des multi-jobber

“Avec la crise de corona, en Suisse le fossé entre les travailleurs ayant un contrat permanent et les travailleurs précaires est devenu très apparent.

Une fois de plus, les couches les plus vulnérables de la société ont beaucoup de mal, voire sont dans l’impossibilité d’obtenir le soutien dont elles ont besoin lorsque leurs revenus se sont écroulés complètement, ou en partie.

Sans un soutien important de la part de particuliers, de groupes ou d’associations de défense, il est presque impossible pour la plupart de ces personnes vulnérables de rassembler les documents et les formulaires de demande à soumettre aux organisations d’entraide ou aux autorités cantonales.

En outre, il est difficile de fournir des preuves de moyens de subsistance antérieurs si, par exemple, une employée de maison faisait des ménages dans neuf familles différentes dont quatre ont été annulés à cause du corona sans licenciement formel. Faut-il poursuivre l’employeur en justice avec le risque de ne plus pouvoir récupérer sa place?

Souvent, après la présentation d’une demande aux organisations d’entraide, nous (le syndicat IGA) recevons la réponse négative que cette personne/famille était déjà touchée par la pauvreté avant la crise de Corona et que sa situation relève de l’Aide sociale. Nous aidons donc la personne à se rendre à l’Aide sociale.

Lors de l’inscription, il est dit que l’Aide sociale n’est responsable qu’à titre subsidiaire. La personne concernée doit d’abord s’inscrire auprès de l’ ORP (Office régional de placement) et l’Aide sociale ne peut accepter une inscription qu’après une décision négative de l’ORP. L’ intéressé doit s’inscrire à l’Assurance chômage (AC). Plusieurs démarches compliquées s’ensuivent avant de pouvoir s’inscrire à l’Aide sociale. Dans l’intervalle, une demande de report de loyer a dû être adressée au propriétaire et la prime d’assurance maladie n’a pas pu être payée.”

hgh, IGA Bâle
(Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs),
texte raccourci

Travailleurs : renvoyés encore et encore 

“C’est vraiment bien si dans les communes des habitants s’organisent pour faire les courses des personnes âgées. Mais la grande souffrance de la pauvreté, les lois insupportables et la façon dont elles sont appliquées par les autorités, rongent les pauvres dans leur lutte pour la survie. Les organisations d’aide « classique » jouent un très mauvais rôle pour certaines personnes en situation de pauvreté, car elles les renvoient encore et encore vers ces instances administratives qui souvent ne savent pas dialoguer avec ces personnes et vice versa. La société ne voit pas qu’il n’y a pas assez de places de travail pour les personnes non qualifiées et que beaucoup sont trop pauvres sur le plan financier mais aussi de l’éducation pour pouvoir rédiger seuls des candidatures.”

Branka Goldstein,
IG Sozialhilfe Zurich (association de défense
d’intérêts de personnes à l’Aide sociale)

Plus d’informations:
Tous les articles de la chronique
Vous aussi êtes témoin d’histoire ou vivez une situation que vous aimeriez partager ? Ecrivez-nous