L’accès aux services sociaux: le premier contact est déterminant

© Pavel Danilyuk

La revue Zeso, éditée par la Conférence suisse des institutions sociales (CSIAS), a récemment publié un article rédigé par Camille Jacot, alliée d’ATD Quart Monde. Cet article souligne à quel point la qualité du premier contact entre les services sociaux et les personnes qui font une demande d’aide s’avère déterminante. Vous en trouverez ici un extrait légèrement adapté. L’article est accessible dans son entier sur www.zeso-magazin.skos.ch.

L’accès à l’aide sociale nécessite pour les personnes concernées d’affronter plusieurs défis. Le premier est certainement de savoir qu’une telle aide existe et qu’on y a droit. Il se trouve que nombre de gens ne connaissent pas leurs droits ni à quelle porte frapper pour obtenir du soutien.

Le deuxième défi est celui d’oser faire le pas et de s’adresser aux services sociaux qui prodiguent cette aide. Si ce chemin peut être long, il appartient certainement à la personne concernée de le parcourir. Mais le moment où, porteuse de toute son histoire, elle entre pour la première fois en contact avec le service en question s’avère déterminant. Une personne concernée affirme qu’un «accueil bien fait, c’est un gain de temps et d’argent, et c’est là que tout peut se jouer». 

Dans la foulée de la recherche «Pauvreté – Identité – Société», ATD Quart Monde et des partenaires ont crée un espace de co-réflexion avec des collaborateurs et collaboratrices d’un service social régional et des personnes ayant l’expérience des services sociaux.

Les professionnel·le·s ont «eu l’impression qu’on était dans deux mondes différents, avec beaucoup de difficulté à se parler et à se comprendre». 

Cette démarche leur a permis de se rendre compte du décalage entre leur propre réalité et celle des personnes concernées, que ces dernières peuvent être encore plus démunies que ce qu’elles et ils pensaient.

Un autre aspect qui est ressorti de telles rencontres est le sentiment pour les personnes demandeuses d’aide de «devoir se mettre à nu et renoncer à tout pouvoir». Lors d’un premier entretien, en devant fournir plus d’une dizaine de documents et signer une procuration autorisant le service social à obtenir toutes les informations en lien avec leur situation personnelle et financière, les personnes concernées se sentent dépossédées de tout pouvoir d’agir. Les professionnel·le·s qui ont participé à ce projet n’avaient pas conscience de ce sentiment de dépossession – ou alors il leur semblait être «la moindre des choses 
[de fournir de telles informations] si on veut avoir de l’aide de l’État». Cela illustre bien le décalage et l’ascendance d’un monde sur l’autre: «si après la première rencontre j’apprends – car je peux prendre des renseignements partout – que la personne n’a pas tout dit ou qu’elle a menti, je ne pourrai plus avoir confiance en elle par la suite.»

Bien sûr, certaines informations sont légitimement requises dans le cadre d’une demande d’aide sociale. Mais le fait de devoir fournir des informations très personnelles dès le premier rendez-vous et dans un climat de suspicion «casse» la personne et l’impacte, elle et son entourage. Les personnes concernées expriment cette pression qu’elles vivent à devoir répondre à toutes ces demandes sans en voir forcément la raison et sans aucun contrôle de ce qu’il sera fait de ces informations. Elles expriment souvent ne pas se sentir comprises dans ce qu’elles vivent, ne pas trouver de terrain d’entente et être jugées d’emblée, ce qui les pousse parfois à renoncer à leurs droits.

Cela souligne l’importance d’inclure les personnes concernées pour chercher les bonnes pratiques et co-construire des changements qui fassent sens. «Il y a de l’or qui dort dans nos services: le savoir, les idées et les propositions des personnes qui y ont recours!»