Compassion et aide véritable
Alain Meylan, militant d’ATD Quart Monde, remettant à Mme la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider le rapport final de la recherche «Pauvreté – Identité – Société» à l’occasion du colloque La pauvreté – une boucle sans fin: quelle responsabilité pour notre société? tenu à Berne le 9 mai 2023. © Matteo De Mattia
Quelle est la différence entre la compassion et l’aide? Une aide véritable implique de se mettre à la place des personnes concernées, par exemple en ayant une certaine expérience de la pauvreté. Ce n’est qu’alors que l’aide peut être délivrée de manière réfléchie et ciblée.
Lorsque j’ai eu la chance de connaître le Mouvement ATD Quart Monde en 2020, je n’étais pas sûre qu’il y était question de compassion ou véritablement d’aide. Le Mouvement était de l’hébreu pour moi – j’avais surtout fait de mauvaises expériences avec les employé·e·s des services sociaux. Cependant, des membres d’ATD Quart Monde m’ont demandé quelles ont été ces mauvaises expériences et comment elles auraient pu être évitées ou atténuées.
Chacun·e peut un jour se trouver dans une situation dans laquelle elle ou il n’a aucun pouvoir sur ce qui lui arrive. À mon avis, et d’après mon expérience, c’est précisément dans ces moments qu’il faut adopter, sans compromis, une approche d’égal·e à égal·e. Seules les personnes qui ont souffert (ou qui malheureusement souffrent encore) peuvent comprendre ce qu’est la compassion. Et seules celles qui ont fait un réel travail d’introspection peuvent correctement exprimer cette compassion. Si Joseph Wresinski, le fondateur d’ATD Quart Monde, n’avait à l’époque pas lui-même réfléchi à ce que cela veut dire que de ne pas avoir de vêtements propres, et au fait qu’il était quasiment impossible de se procurer de l’eau propre pour les laver, le lave-linge n’aurait probablement jamais trouvé le chemin du bidonville de Noisy-le-Grand.
Pourquoi donc est-il si compliqué d’amener les personnes à l’introspection? Cela ne fait pas mal et résout des problèmes apparemment insolubles, de manière pragmatique, simple et souvent peu coûteuse. Un rassemblement à Treyvaux, par exemple, peut contribuer à cela: qu’est-ce qui est moins cher qu’un taxi collectif; qu’est-ce qui demande moins d’effort que de cuire un risotto et de le servir; qu’est-ce qui est plus valable que de développer la connaissance des personnes en situation de pauvreté grâce à la formation continue; qu’est-ce qui est plus efficace que d’élaborer et compléter cette connaissance en Croisement des savoirs avec des spécialistes?
ATD Quart Monde l’a fait avec Rapports entre institutions, société et personnes vivant dans la pauvreté en Suisse: une expérience de violence qui continue – le rapport final de la recherche «Pauvreté – Identité – Société» menée de 2019 à 2023. Pour moi, il est important de systématiquement présenter ce rapport en étant accompagnée de membres du Mouvement – et nous avons déjà eu de nombreuses discussions prometteuses lors d’événements importants! Ce tremplin est une chose merveilleuse! Je me suis simplement jetée à l’eau en 2020. Mais maintenant, je me sens comme un poisson dans l’eau et cela s’est avéré rafraîchissant pour moi.
Marianne Rossel, militante d’ATD Quart Monde